Femme orchestre à la tête bien pleine, Carline Parois affiche une créativité entrepreneuriale particulièrement en adéquation avec l’époque.
Femme orchestre à la tête bien pleine, Carline Parois affiche une créativité entrepreneuriale particulièrement en adéquation avec l’époque.
Pleine d’idées et de projets, dès sa sortie d’Esmod en 2016, elle enchaine les travaux à un rythme consistant. Forte d’une formation de styliste modéliste, Carline choisi pour sa troisième année l’option Nouvelle Couture Luxe. Après un premier stage d’assistante modéliste pour la marque créative Aganovitch durant 6 mois, elle décide de créer sa propre marque parallèlement à celle d’une amie. Une façon ingénieuse d’alléger l’aspect administratif de cette création d’entreprise. Mais contrairement à son amie, Carline doit trouver rapidement un travail plus immédiatement rémunérateur. C’est un temps partiel de vente au Bon Marché (rayon lingerie) qui s’impose alors. Une expérience annexe de deux ans et demi au service de Princess Tam Tam qui ne sera pas inutile dans sa carrière. Mais fera fatalement ralentir son projet personnel.
En quelques mois, l’évidence que le métier pour lequel elle avait étudié lui procurerait un salaire plus logique, la mène vers le fabricant de robes de mariées Cymbeline Paris. Trois mois plus tard, l’atelier Meraki, un incubateur de marques de mode et d’accessoires, la convainc également de remettre en selle son projet de marque personnelle alors en sommeil. C’est ainsi qu’elle conçoit dans l’urgence sa première collection Carlinae, à partir de stocks de tissus dormants. Ce qui ne l’empêche pas de la présenter sur le salon Who’s Next et de trouver des distributeurs intéressés.
Dans la foulée la créatrice de la marque Ekjo, rencontrée quelques mois plus tôt, lui propose en avril 2019 un poste rémunéré d’assistante de collection. Elle peut enfin quitter le Bon Marché. Mais comme souvent, le temps partiel devient vite ici un temps complet. C’est le premier confinement qui lui redonne le temps d’imaginer une nouvelle collection personnelle : la seconde collection Carlinae.
Désormais free lance pour d’autres jeunes marques, elle peut se consacrer davantage à sa marque propre tout en développant un nouveau projet : la mise en place de la plateforme de vente en ligne de fournitures pour la mode Saventy Percent. Egalement mannequin a ses heures, Carline Parois continue parfois cette activité souvent divertissante.
Planet Esmod : D’où est née l’idée de la Market Place Saventy Percent ?
Carline Parois : Durant mes études, j’ai accumulé pas mal de tissus et des chutes évidemment. Il y avait aussi des tissus achetés pour des vêtements que je n’ai pas eu le temps de faire pour moi. Une déperdition que je vérifiais également chez d’autres étudiants. Ensuite quand j’ai commencé à travailler en entreprise, ça m’attristait de voir tous ces rouleaux de tissus dormant dans les réserves. Mon idée s’est précisée en 2019, lors du déménagement de la marque Ekjo pour laquelle je travaillais comme styliste. Le transport des tissus est ce qui a pris le plus de temps finalement. Certains tissus étaient même abimés par le temps, l’humidité, les mites, etc. alors qu’ils n’avaient servis a rien. Un vrai gâchis. Mais je n’ai commencé à mettre en place concrètement cette idée de revente de chutes de tissus que fin 2020.
P. E. : Justement, de quelle façon ?
D. P. : Pour l’instant, ce n’est encore qu’un beta test. Un ami développeur web m’a aidé sur le développement de la plateforme. Donc ça c’est fait très rapidement. Si elle se développe dans le futur, il faudra la structurer davantage. Mais je suis déjà satisfaite de cette mise en place. Dès le deuxième jour de mise en ligne du site il y avait déjà des transactions. Mais ce genre de projet demande du temps avant de se développer.
P. E. : Pourquoi ce nom, Saventy Percent ?
D. P. : Cela vient d’une chronique qui disait que l’on n’utilisait que 30% des vêtements que nous possédions. Les 70% restant de nos garde-robes, dorment éternellement dans nos placards. Ce qui m’avait interpellée. Tout en étant certaine par expérience, qu’il se passait la même chose pour les tissus ! Le problème c’est que le nom de domaine « 70% » était déjà pris. En réfléchissant, je me suis dit que le mot fabriqué « Saventy » était encore mieux, dans la mesure où il inclut l’idée de sauvetage de ces 70%.
P. E. : Un nom anglais pour un site qui n’est développé qu’en français pour l’instant…
D. P. : Oui, j’aimerais bien développer ce concept à l’international évidemment. Ça viendra.
P. E. : Comment vous rémunérez-vous sur Saventy Percent ?
D. P. : Hélas pas a 70% ! (rires). Je ne prends que 15% sur les transactions.
P. E. : Quels sont vos autres projets aujourd’hui ?
D. P. : Développer ma marque Carlinae par exemple. Ma première collection était réalisée justement à partir de rouleaux de fins de séries, de chutes ou même de coupons, je n’avais donc aucun moyen de réellement produire et commercialiser mes pièces après Who’s Next… C’est l’écueil de ce principe de recyclage. Pour la deuxième collection j’ai donc acheté un peu plus de quantités de tissus, afin de pouvoir produire tout simplement. Cette collection est d’ailleurs depuis peu disponible à la vente. J’ai même créé un e-shop spécifique pour Carlinae. Une marque aujourd’hui empreinte de littérature et de poésie, où les idées de réminiscence, de conservation, de référence au temps sont très présentes, mais que j’aimerais faire évoluer avec des références plus ouvertes aux voyages, aux lieux, à d’autres exotismes éventuellement.
P. E. : Comment vous êtes-vous inscrite à Esmod Paris ?
D. P. : Depuis l’âge de 15 ans environ, j’allais aux portes ouvertes d’Esmod Roubaix, dans la région où j’habitais. J’aimais l’ambiance authentique du lieu, l’aspect ‘atelier’ me plaisait beaucoup aussi. Pour les 170 ans d’Esmod en 2011, j’ai gagné une invitation pour aller au défilé de l’école à Paris. J’ai découvert l’école et je m’y suis sentie bien. Ainsi mon inscription c’est faite naturellement.
P. E. : En quoi vos études à Esmod vous servent aujourd’hui ?
D. P. : Avec un peu d’expérience, je pense qu’Esmod m’a aidé à structurer mes recherches et ma créativité en général. Surtout au niveau des dessins techniques, à travers la conception assistée par ordinateur par exemple. Je le vérifie lorsque j’aide de nouvelles marques : les entreprises qui produisent ne sont pas habituées a recevoir des dossiers techniques aussi carrés que ceux que nous leur envoyons.
P. E. : Quel conseil donneriez-vous aux actuels étudiants d’Esmod ?
D. P. : Accrochez-vous ! Il ne faut pas lâcher. Ce sont des études chronophages, ce qui n’est pas évident au niveau psychologique. Parfois les techniques à assimiler ne sont pas évidentes aussi. Mais c’est un métier de passion, donc ça vaut le coup d’insister. Même si j’ai parfois craquée moi aussi, je recommencerais sans problème. J’ai réalisé à Esmod que j’avais une bonne résistance dans le travail. Parfois il faut s’accrocher jusqu'à deux ou trois heures du matin pour finir un dossier. C’est un marathon, mais c’est comme ça que ça fonctionne et qu’on s’en sort !
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