Elle est presque surprise de notre démarche. « Je ne travaille plus vraiment dans la mode » s’étonne-t’elle. Et pourtant, le parcours de Julie Maurence nous charme paradoxalement par sa cohérence, où la passion et la sincérité servent de fils directeurs. Il nous séduit également par l’intelligence émotionnelle avec laquelle l’ancienne étudiante d’Esmod a su tisser des ponts entre ses passions. En édifiant des points de fusion entre son amour du stylisme, de la direction artistique, et son aptitude naturelle à mettre en lumière les plaisirs de la table, Julie Maurence est devenue une grande spécialiste du stylisme culinaire, collaborant avec les grandes maisons qui ont illuminé son imaginaire d’enfant. Un parcours riche d’enseignements et de saveurs qu’elle nous raconte lors d’une interview miam miam.
Planetesmod : Vous indiquez sur votre site que votre famille était exclusivement tournée vers le monde de la gastronomie. C’est aussi votre passion. Comment, dans cet univers si spécifique, avez-vous développé́ une fascination pour le monde de la mode, au point de vouloir y consacrer vos études ?
Julie Maurence : Étant fille de restauratrice, il a fallu que j’apprenne très tôt à m’occuper seule et le dessin fût ma première échappatoire. Certains clients habitués du restaurant de ma mère avaient des postes assez importants dans la mode et cela nous offrait la possibilité́ d’accéder à des ventes presses de grandes marques. Ma plus grande passion, aujourd’hui enfin avouable, était d’arracher en douce les chutes de tissus suspendus sur les prototypes pour en fabriquer des tabliers de Barbie. Plus tard, j’ai eu la chance de m’infiltrer à mon 1er défilé́ de couture Jean Paul Gaultier. Ce jour là, j’étais en plein émerveillement : tout est si était beau, si intense. Ce fût un vrai chamboulement dans ma tête, ainsi s’en est suivi mon désir profond de travailler dans la mode.
Qu’est-ce qui vous a déterminé́ à choisir Esmod ?
Ce qui m’a attiré́ en 1er lieu avec cette école ce fût son important rayonnement à l’international et bien sûr sa prestigieuse réputation, ayant vu passer pas mal de grands noms de la mode. Sa situation géographique m’a aussi permise d’entamer mes études à Bordeaux, non loin de ma famille.
Quels souvenirs gardez-vous de vos études ? Avec le recul, quels enseignements vous apparaissent comme essentiels ?
Globalement, j’en ai conservé́ de bons souvenirs, malgré́ les nombreuses nuits blanches à faire, défaire et refaire des piqures dignes de ce nom. Le modélisme n’était pas ma tasse de thé. Et faire des milliers de fiches techniques pour l’obtention de mon diplôme ! Cette école m’aura permise d’y faire de belles rencontres humaines et sans doute d’affirmer ma personnalité́ et mon style. Mon seul grand regret fût de ne pas avoir pu faire de stage plus tôt et ainsi me plonger dans le mode professionnel. Je me dis souvent que j’aurai adoré faire de l’alternance. Cela m’aurait éclairé́ plus rapidement sur ce milieu, en faisant rapidement tomber quelques idéaux.
Vous vous dirigez ensuite vers le stylisme culinaire. « Un point de fusion entre vos deux passions ». Ce point de fusion c’est donc le stylisme. Y a t-il des points communs, une philosophie, une démarche commune entre le stylisme mode, accessoire et culinaire ?
Tout à fait, le stylisme culinaire demande une grande rigueur et respecte un processus créatif qui, comme dans la mode, suit plus ou moins le courant des tendances. On parle de saisons, de moments clefs, de la même façon où l’on élabore un plan de collection. Tout est guidé par un calendrier. Chaque shooting fait l’objet d’une réflexion nourrie par la demande du client, et donne lieu à des créations de moodboard voire des maquettes. Dans mon cas, j’accorde énormément d’importance aux choix des couleurs, et surtout au sourcing des accessoires qui vont aider à sublimer un produit. Ma principale inspiration repose sur le design et l’architecture de la moitié du XXème siècle, ce qui je pense se ressentait déjà̀ dans mes créations lorsque j’étais stylistes accessoires.
Pensez-vous que vos études ont été utiles pour exercer votre profession actuelle ?
J’en suis intimement persuadée ! Tant sur le plan artistique qu’en terme de vision marketing, ce qui est fondamentale dans mon métier. Je suis constamment en contact avec des chefs de projets qui eux-mêmes servent de lien entre la direction artistique et la scénographie, donc ma partie. Esmod a su m’enseigner cette double vision.
Vous êtes aujourd’hui à votre propre compte. Vous proposez à vos clients de construire une image de marque avec des visuels forts : quelle est votre signature ? et qu’est ce qui, selon vous, constitue un bon stylisme culinaire ?
En effet, je suis depuis 4 ans à mon compte. Il m’est difficile de parler de signature. Pour ma part j’ai toujours été portée par des influences pop faisant échos au design des années 70, sous toutes ses formes. Je suis attachée aux univers colorés, laissant apparaitre une touche d’ironie. Évidemment, aucune demande n’est identique, et il faut parfois apprendre à mettre ses goûts de coté́. Cela étant dit, j’essaye toujours de me plonger dans l’historique de chaque maison, en le respectant le plus fidèlement possible. Un visuel réussi doit avoir du sens et être vecteur d’un message, au-delà̀ de sa force créative. Un bon stylisme se construit aussi grâce à l’œil avisé du photographe. C’est avant tout un métier d’équipe !
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui veut se lancer dans ce domaine ?
Selon moi, c’est un domaine où nos émotions passent autant par les yeux que par le ventre. Non-épicurien s’abstenir. Il est fondamental d’avoir une attirance aussi développée pour l’univers de l’art de la table, de la scénographie que celui des monts blancs (aucune objectivité́ à leur sujet)! Le stylisme culinaire réclame de solides connaissances. Et bien sûr, il nécessite de ne pas avoir peur de rendre l’impossible possible, notamment en acceptant de courir Paris de long en large en quête d’un abricot en plein mois de décembre ! Être en sommes une vraie passionnée du beau et du bon.
Auriez-vous pu conjuguer le stylisme mode et le stylisme culinaire ? ou les deux spécialités sont trop différentes pour être exercées en même temps ?
Je ne dirai pas que les deux spécialités sont si éloignées, il m’arrive encore de collaborer sur des sujets de stylisme mode. Mais en toute transparence, mon engouement pour ce milieu n’est plus du tout le même qu’avant, je m’en suis un peu lassée. Je me sens aujourd’hui bien plus à ma place aux côtes de mon petit pote le kitchen aid!
N’avez-vous pas de regret d’avoir abandonné́ la mode ? Pensez-vous que vous pourriez y revenir un jour ?
Aucun! Je ne ferai jamais marche arrière, ce choix de reconversion fût la plus belle chose que soit arrivée professionnellement. Aujourd’hui, tout fait sens et je suis heureuse de pouvoir collaborer pour de célèbres maisons qui ont bercé mon enfance.
www.julie-maurence.com
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