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Maison Geneviève revisite les surplus militaires


On en trouve fréquemment dans les friperies et ils font le bonheur des férus de mode : les surplus militaires sont resté une référence atemporelle dans le vestiaire masculin mais aussi féminin. François Laurendeau, diplômé d'ESMOD en 2018, a décidé d'en faire la matière première de ses créations pour les collections de sa marque Maison Geneviève. Pour ESMOD Act, il nous parle de son parcours, de sa démarche créative et de sa vision de la mode durable.


Parles-nous de ton parcours après ESMOD. Tes différents postes et la décision de lancer ta marque

J’ai effectué mon stage de fin d’études chez Coltesse, une marque de prêt-à-porter masculin basée à Paris. J’y ai travaillé en tant que styliste/modéliste, suivant la production de la collection SS19 et l’élaboration de la AW20. À la fin de mon stage, je suis resté travailler en tant que free-lance ou je supervise depuis 2ans toutes les étapes de développement de collection, des premiers dessins aux DAP, des patronages aux prototypes, de la normalisation au suivi de production jusqu’aux shootings des collections.

J’ai commencé Maison Geneviève avant d’entrer à Esmod, à l’époque j’alternais entre mes études en économie et mon apprentissage chez une couturière. Je faisais pas mal d’expérimentations sur des chaussures et accessoires, des sacs bombés qu’on a vendu en Corée, ainsi que des vêtements en pièce unique, avec déjà à l’époque des envies "d’oversize étriqués". Pendant mes études à Esmod je n’avais plus le temps de m’y consacrer, jusqu’à la collection finale qui m’a permis d’affiner mes envies, ma technique et mes inspirations qui définissent aujourd’hui Maison Geneviève.

Depuis, que je travaille en free-lance chez Coltesse en moyenne 3 jours par semaine, j’ai plus de temps à consacrer à ma marque que je développe pas à pas. En septembre dernier j’ai présenté la collection de l’été 2020 au salon Who’s Next en partenariat avec l’Atelier Meraki.

J’ai participé à plusieurs événements et ventes à Paris et à Lille et, en janvier on a présenté l’hiver 2021 dans notre propre showroom dans le Marais.


Dans ma collection de prêt-à-porter homme à Esmod j’ai eu la chance de pouvoir fabriquer des pièces en cuir, en partenariat avec le lycée Turquetil, où j’ai appris les bases du travail du cuir. J’ai depuis investi dans une machine spécialisée avec laquelle je développe des accessoires qui vont représenter une partie importante de pièces dans chaque collection à venir.


Tu fais de l’upcycling de surplus militaires. Comment t’es venue cette idée ? Pourquoi cet univers?

Outre la quantité énorme de vêtements et fournitures militaires qui dort dans des stocks dans le monde entier et l’envie de réduire l’impact écologique de la marque, ce qui m’attire dans ces matières, c’est leur vécu, leur(s) histoire(s). Certaines matières que j’ai pu transformer dataient de la première guerre mondiale, plus souvent de la deuxième. Des irrégularités apparaissent au fil du temps et c’est ce que je mets en valeur, en parallèle du travail « déconstruit » de certaines pièces. De plus ces matériaux sont souvent d’une grande résistance et ont des propriétés techniques spécifiques. Leur conception est pensée pour avoir la plus grande ergonomie. C’est donc aussi une étude du détails, de la coupe et du fonctionnement du vêtement.


L’esprit militaire à toujours représenté pour moi une sorte de rigueur, élégante de part sa droiture, ce qui convient parfaitement à mon univers.

Côté production, comment t’organises-tu pour répondre à des commandes avec un stock limité?

Pour l’instant la marque est encore jeune et je peux toujours anticiper la demande. Je chine ou je commande le nombre de pièces similaires d’un même vêtement pour en refaire une quantité donnée. Par exemple j’ai chiné 5 sacs de paquetage de l’armée française des années 60 pour en faire 5 gilets. Ils ont tous le même modélisme mais les détails et vécus des sacs les rendent uniques. Il y a 5 pièces de disponibles et pas plus, après je passe à autre chose.

Pour les pièces qui ne relèvent pas de l’upcycling, je commande des petites quantités de tissus que je retravaille avant de les coudre. Mais au final c’est le même principe. Le côté "pièce unique" ou "très petite série" justifie aussi le prix de vente, car un développement pour peu de pièces est coûteux.

Qui est ta clientèle ?

Ma clientèle est aussi bien masculine que féminine. Se sont des pièces fabriquées sur une base d’homme mais qui habillent tout aussi bien les femmes. D’ailleurs quand je shoote, assez régulièrement, les pièces à l’argentique dans les rues de Paris, c’est souvent des femmes que je photographie avec les vêtements.


Les ventes se font souvent au coup de cœur sur une pièce précise, un homme qui reconnaît son sac de paquetage de l’époque de son service militaire par exemple, mais aussi des plus jeunes : hommes, femmes, créatifs, plutôt en France pour l’instant mais aussi un peu à l’international. Je pense que le fait que les pièces aient une histoire parle à beaucoup de gens, quelque soit leur âge ou leur origine.


Les habitudes de consommation de mode ont-elle évolué ces derniers temps selon toi ? Vont-elles dans le bon sens ?

On est entré dans une ère où on ne peut plus nier que la mode, et plus particulièrement la fast fashion, nous emmènent tout droit dans le mur écologiquement, humainement, et économiquement. Beaucoup de personnes sont sensibles à cela et ont changé leur modes de consommation, en consommant moins et mieux. On voit beaucoup de jeunes tourner le dos aux grandes enseignes de fast fashion et se diriger vers les friperies et les jeunes marques quand ils le peuvent.


C’est évidement une bonne chose mais cela représente encore une petite partie de la population mondiale. Beaucoup de marques déjà bien implantés se tournent également vers des solutions plus écologiques, notamment au niveau des matières, et jouent aussi la transparence quant au conditions de fabrication. C’est une très bonne chose mais plus globalement c’est tout le système d’offre et de demande et de surproduction qu’il faut revoir. On continue à produire en masse et puis brader à perte ou jeter et brûler. Il y a encore beaucoup de paramètres à faire bouger avant que l’on puisse commencer à décréter que la mode évolue vraiment dans la bonne direction.

On est entré dans une ère où on ne peut plus nier que la mode, et plus particulièrement la fast fashion, nous emmènent tout droit dans le mur écologiquement, humainement, et économiquement.


Comment imagines-tu le développement de ta marque dans cet axe sustainable ?

Dans la mesure du possible je souhaite continuer sur le même axe que j’ai pris avec la marque depuis un an: trouver de belles pièce ou matières existantes avec, dans la mesure du possible, des stocks suffisants pour faire un certain nombre de vêtements, continuer à développer des petites séries et les proposer à la fois en boutiques en wholesale et en vente directe via l’eshop de la marque et les événements temporaires à Paris et ailleurs.

Un petit mot de ton univers (créateurs, artistes, écrivains, penseurs... préférés)

L’univers de Maison Geneviève est grandement marqué par des références militaire. C’est une passion que je me suis découvert : fouiller dans des archives, de vieux magazines des années 40, passer d’un pays à l’autre et examiner ses costumes militaires. C’est sans fin.

Le cinéma m’inspire beaucoup aussi. J’aimerai d’ici peu faire une collection recentrée sur un film : Shining.


J’essaye de transcrire une sorte de reflet de mon temps et de mes goûts sur le moment à travers mes collections.

Je suis aussi très inspiré depuis tout jeune par l’univers sombre et torturé d’Egon Schiele, avec son trait anguleux, ou par les tableaux d’Anselm Kieffer, construits comme des sculptures, déconstruites à coup de spatule.


Je développe une mode qui habille des personnes mais j’aime garder ce coté expérimental, dans l’approche de la matière ou dans la coupe.


Qu'est-ce que t'a apporté ESMOD et qui te sert aujourd'hui ?

La troisième année est celle qui m’a le plus apporté, et poussé dans mes retranchements. J’ai été accompagné par un très bon duo de professeurs qui m’ont permis de me remettre en question et pousser chaque produit au détail près, autant d’un point de vue style que modélisme.

Je me retrouve parfois à renoncer à des idées ou à des pièces car je les trouve trop simples (c’est aussi un défaut) mais aussi pour pouvoir tenir des délais. Pour cela je dois parfois faire des concessions. C’est sûrement ce qui représente le plus la réalité du métier. La mode est toujours une course, le temps est la variable incompressible.


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