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Photo du rédacteurPatrick Cabasset

Polyamour du Kimono

Modeste tenue d’intérieur ou riche vêtement de cérémonie, toilette séductrice de geishas alanguies ou uniforme guerrier pour sévères samouraïs, on ne peut qu’admirer la polyvalence du kimono. En écho à son renouveau, une exposition parisienne le starifie sous toutes les coutures.


Sur-kimono pour femme (uchikake). Probablement Kyoto, 1860–1880. Satin de soie (shusu), appliqué et broderies de fils de soie et fils de soie dorés © Victoria and Albert Museum, London

Ce symbole ultime du Japon, incarnation de la culture et de la sensibilité nationale, est devenu depuis le XVIIIe siècle un élément recherché dans le monde entier. A partir de 1650 et l’avènement de l’époque Edo, le Japon se ferme en effet au monde extérieur. Interdiction d’y voyager, de commercer ou même de faire escale dans ses ports. Seuls les marchands néerlandais vont réussir à obtenir ce privilège à partir du XVIIIe siècle. Et ils y découvrent la richesse du kimono, habit du quotidien japonais, pour hommes ou femmes, qui, réalisé en soie et ultra décoré, peut devenir habit de cour. Et ils l’exportent vers l’occident où les hommes de lettre d’abord, vont enfin pouvoir revêtir cet ancêtre du Homewear, bien moins terne que leurs traditionnelles robes de chambre…



Utagawa Kunisada (1786-1864) Trois femmes devant la boutique de kimonos Daimaruya Edo (Tokyo), 1840-1845

Composé de 8 bandes de tissus assemblées, le kimono peut se revêtir de milles décors précieux grâce au Yùzen, cette technique de teinture en réserve, grâce à l’application d’une pâte de riz.

En Europe, le succès est immédiat dans les classes sociales privilégiées. A tel point que les japonais n’arrivent pas à fournir cette demande étrangère croissante. Jamais à court d’idées les marchands néerlandais vont donc commencer à les faire produire en Inde. Une des premières délocalisations, qui ne sera pas la dernière ! Avec le XIXe siècle, le kimono deviendra véritablement populaire en occident, annonçant plusieurs vagues de japonismes et d’exotismes divers.


« Le kimono se livre en emblème d’un Japon qui influence le monde et se laisse influencer par lui ». Emmanuel Kasarhérou. Président du Musée du quai Branly – Jacques Chirac


Kimono destiné à l’export Probablement Kyoto, 1905-1915 Satin de soie (shusu), broderies de fils de soie © Victoria and Albert Museum, London

Organisé en lien avec le Victoria & Albert Muséum de Londres, l’exposition du Musée du Quai Branly fait le choix de désacraliser cet habit culte. Loin de le voir comme un vêtement immuable et hors du temps, les curatrices (Anna Jackson et Josephine Rout) ont fait le choix de souligner sa fluidité, sa capacité de s’adapter à la mode, à séduire au-delà de sa culture d’origine. Porté comme un étendard ou symbole d’une indolence coupable, à la fois culturel, religieux ou juste pratique, l’emblème du Japon démontre sa capacité à influencer le monde, parce qu’il se laisse influencer par lui.


Près de 200 kimonos sont exposés dans cette démonstration spectaculaire. Des créations de Paul Poiret à celles de Yohji Yamamoto et John Galliano, du modèle unique créé par Kunihiko Moriguchi, « trésor national vivant » au Japon, aux costumes originaux de Star War par Trisha Biggar, tous sont exceptionnels.


Affiche de David Bowie en Ziggy Stardust 1974 Encre imprimée sur papier © Victoria and Albert Museum, London

On notera encore que c’est à une véritable renaissance de cette tenue enveloppante et attachante qu’assiste aujourd’hui le Japon. Les étudiants d’Esmod Tokyo le vérifient chaque jour. D’abord dans la rue, avec des kimonos anciens stylisés par des jeunes créatifs lassés par les incessants changements de la mode occidentale. Puis avec l’émergence d’une nouvelle vague de créateurs qui s’approprient le kimono de façon innovante et parfois subversive. Loin des traditions, tous en font un objet de mode dynamique.


Kimono : Jusqu’au 28 Mai 2023, Musée du Quai Branly – Jacques Chirac. 37 Quai Branly, 75007 Paris.



Kimono (kosode) Japon, 1840-1860 Satin de coton (menjusu) de Chine, teinture par réserve au pochoir (katazome) Donation de Yoshida Kōjirō © Kyoto Living Craft House Mumeisha © Victoria and Albert Museum, London

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