Le label fondé par Victoria et Tomas – qui se sont connus sur les bancs d’ESMOD – célèbre avec éclat sa première décennie d’existence avec une collection qui atteste la maturité d’une maison qui a placé son identité sous le signe du cœur et de la résilience.
Victoria et Tomas se sont connus à Esmod Paris. Depuis ils ont fondé le label Victoria/Tomas qui fete ses 10 ans cette année, se sont mariés et viennent d'avoir leur premier enfant.
Victoria Feldman est russe, Tomas Berzins vient de Lettonie. Les deux créateurs se sont connus sur les bancs d’Esmod Paris où ils ont aiguisé leur regard au sein de la spécialisation Couture/Luxe. Un regard mais aussi une affinité qui n’a fait que se renforcer au fil des années puisque les deux étudiants ont fini par fonder ensemble un label qui porte leur prénom, avant de se marier et puis d’avoir, il y a quelques mois, un enfant. Forcément, pour une école de mode, c’est une information qui compte et qui émeut. D’autant plus que cet enfant ouvrait le show du défilé qui célébrait, durant cette fashion week parisienne de septembre, les 10 ans de Victoria/Tomas.
Retour en arrière. 2008. Rue de la Rochefoucauld, ESMOD. Les deux étudiants cultivent un imaginaire différent. Tomas a une prédilection pour le mouvement hip hop de Riga, aime Nirvana et les Sex Pistols, Victoria s’intéresse au Margiela des années 90, à la fois expérimental et portable. Elle se décrit ainsi : « J’étais très sage, très bonne à l’école. Mais j’arrivais en cours avec des tonnes de perles, je mettais un pantalon avec un jupe, cousais plein de boutons sur un haut, par refus d’endosser le sempiternel uniforme t-shirt, sac à dos. » Un certain sens du décalage apaisé semble les animer. Une remarquable capacité de travail semble les unir. A tel point qu’ils se forgent peu à peu l’idée de mettre leur sensibilité en commun. Idée en l’air ? Pas vraiment puisque quatre ans plus tard, une fois leur scolarité accomplie, le label Victoria/Tomas est fondé.
Victoria/Tomas collection PE23
Dès le départ, l’identité de la marque est solidement campée, le propos finement ciselé et les choix clairement assumés. 2013, festival de Hyères. La collection se base sur le travail du cuir et l’accessoire hybride. Une versatilité qui constituera, on s’en rend compte aujourd’hui, l’un des piliers de leur identité. Ils nous indiquaient à l’époque : «Les étudiants qui s’intéressaient au cuir n’étaient pas très nombreux dans notre promotion, nous avons choisi au contraire de se concentrer dessus, en le travaillant comme un tissu. ». Cette intuition trouve un écho dans le regard des professionnels : durant le festival, le binôme créatif rencontre en effet le showroom MC2 qui les présente à leurs premiers acheteurs. ISETAN est séduit.
Les rencontres s’enchainent alors : Patricia Lerat, par le biais de sa structure PLC Consulting, les introduit auprès du fameux réseau « Designers Apartment » : un showroom et un programme mise en place par la Fédération Française de la Couture avec le soutien du DEFI. Les acheteurs, assez rapidement, parient sur cette proposition fondée sur la rencontre des genres. Les créateurs définissent ainsi leur style : « Nous reconstruisons les classiques du vestiaire masculin pour les emmener vers la féminité. Une chemise lisse est ennuyeuse mais avec des froufrous, des ouvertures aux épaules, l’émotion apparaît soudain ». Nous sommes en 2017 et le concept store Colette décide de les mettre à l’honneur en leur offrant une vitrine carte blanche, quelques semaines avant sa fermeture définitive.
Victoria/Tomas collection PE23
« Dès le départ, nous voulions faire des vêtements de qualité. Des vêtements à porter au quotidien, qui ne soient pas du spectacle, mais qui restent en accord avec l’évolution du marché ». Ce leitmotiv, toujours respecté, permet au label de faire preuve d’une résilience hors-norme. La crise sanitaire qui aurait pu trancher complètement l’activité de la jeune maison, va permettre au contraire à ses deux fondateurs de renforcer leur choix. La production bascule intégralement à Paris, dans un espace dressé au cœur du 19é arrondissement et le made in France apparaît, non pas comme une solution de secours mais comme une évidence afin de conjuguer convictions éthiques (en réduisant massivement l’empreinte carbone des collections) et problèmes d’approvisionnement.
Et pour répondre à l’hémorragie de la clientèle perdue en raison des confinements – notamment asiatique et américains – le duo peaufine sa stratégie tout en gardant précieusement intact son identité : ce sera la création, en 2021, des vêtements réversibles : un procédé peu courant dans l’univers du luxe. Les points de vente suivent avec enthousiasme. Les anciens clients reviennent. De nouveaux clients arrivent. Le concept répond à son époque : des vêtements multi-usages, écologiques par essence puisqu’il permet d’acheter moins tout en ayant du choix dans sa garde-robe. Pour exalter le procédé, chaque pièce est présentée sur deux silhouettes lors du défilé.
Un mariage et un bébé plus tard, Victoria et Tomas savoure à juste titre le chemin parcouru. La marque dénombre des points de vente à Dubaï, Oman, au Koweït, compte de nouveaux clients aux Etats-Unis, dont Joan Shepp à Philadelphie, se développe en Asie, notamment à Séoul, Shanghai et Taiwan. La présentation de la collection printemps-été 2023 durant la fashion week parisienne (la marque a intégré le calendrier officiel de la Fédération de la Haute Couture et de la Mode) a été l’occasion pour le couple de révéler, sur une vingtaine de silhouettes, son nouveau partenariat avec Chantelle. Un vestiaire en phase avec la vraie vie, et sur lequel se détache, comme un emblème, en patch, en formes, en logos, la silhouette du cœur. « La collection baigne dans une ambiance de fête et décline une touche de sex-appeal expérimental » indiquent les créateurs avant de préciser : « mais elle reste toujours une garde-robe ». Un pragmatisme bienvenu qui explique un succès interrompu : « Il n’y a pas de recettes, on travaille 7 jours sur 7. »
Pour découvrir la presentation digitale de la collection PE23 de Victoria/Tomas :
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